Les Éditions Meystre ou le Gallimard suisse ?

Les Éditions Meystre ou le Gallimard suisse ?

Quel rôle croyez-vous que le livre puisse encore jouer dans la société actuelle ? Pensez-vous qu’il ait encore un avenir face au numérique ?

Il est vrai qu’à l’heure de la digitalisation sans limite d’absolument tout et du remplacisme global, – notamment avec les fameux formats epub ou encore du livre audio –, la question du livre physique peut se poser. De manière générale, je pense qu’il est important d’aller à contre-courant de certaines tendances et de rester fidèle au format papier. Comme nous le rappellent les Écritures en Rom. XII, 2 : « Ne vous conformez pas à ce siècle. »  

Outre l’aspect théologique et de la non-conformisation à notre sièlce, de nombreuses études ont démontré la dangerosité des écrans. Le chercheur le plus connu est Michel Desmurget et il nous explique et nous rappelle l’importance de la lecture et plus spécifiquement de la lecture au format papier. Assurément, le livre au format papier a encore un avenir.

 

Quelle vision guide votre maison d’édition et en quoi se distingue-t-elle des autres maisons d'édition ?

Les Éditions Meystre cherchent avant tout à défendre le Christ-Roi et Ses vérités. Plus précisément, j’ai remarqué que dans ce que l’on appelle nos milieux il y avait une meilleure connaissance des ennemis de l’Église par exemple, que des Encycliques ou encore de la doctrine catholique comme celle de Saint Thomas d’Aquin. Un exemple parmi tant d’autres : certains pensent qu’il est possible de conjuguer nazisme et catholicisme. L’encyclique de Pie XI est très claire à ce sujet et nous rappelle que cela est complètement incompatible.

Vous l’aurez compris, les ouvrages que je souhaite proposer aux lecteurs sont des ouvrages qui s’inscrivent dans le temps et qui sont, à bien des égards, intemporels. Que ce soient les ouvrages Manuel de politesse ou Futurs Époux, nous avons besoin de l’un et de l’autre, c’est-à-dire d’époux à mi-chemin entre la sagesse monastique et la noblesse chevaleresque avec une certaine forme de courtoisie. Comme l’a très bien rappelé le Pape Léon XIII dans son encyclique Rerum Novarum : « La perfection de toute société consiste, en effet, à poursuivre et à atteindre la fin en vue de laquelle elle a été fondée, en sorte que tous les mouvements et tous les actes de la vie sociale naissent du même principe d'où est née la société ». Plus que jamais, il faut revenir à notre principe premier : le Catholicisme.

 

Comment définissez-vous votre mission dans le paysage éditorial contemporain ? Quelle place souhaitez-vous occuper ?

En toute modestie et sans en faire trop, je dois avouer que l’expression du « Gallimard de la contre-révolution » est quelque chose qui me plairait bien. Si l’on n’est pas capable de lire tel ou tel ouvrage dans le métro, dans l’avion ou encore d’évoquer nos dernières lectures à des amis, je ne vois pas l’intérêt de lire l’ouvrage. Pis, je pense que cela dessert la cause car la réaction classe de facto le sujet comme « tabou ». Nous devons impérativement repousser les limites de cette fameuse « fenêtre d’Overton ».

 

Pourquoi avez-vous choisi de devenir éditeur et, plus particulièrement, d’orienter votre travail vers un engagement catholique et conservateur ?

Sans aller trop dans les détails, j’ai un historique familial particulier notamment en lien avec les papiers peints et la tapisserie. Ce goût pour le papier vient probablement de là et je suis très attaché au « livre-objet ». Un beau livre que l’on garde dans sa bibliothèque, que l’on aime lire et feuilleter ou encore qui nous rappelle certains moments est très important, selon moi. Les Éditions Meystre incarnent les ouvrages que j'aurais voulu lire, étant plus jeune, et que je souhaite aujourd’hui proposer au plus grand nombre.

 

En quoi considérez-vous que votre travail contribue au Bien Commun et au renouveau intellectuel et spirituel ?

De manière générale, tout homme de bonne volonté, catholique ou pas, s’il défend une vérité, contribue au Bien Commun. En effet, Henri Béraud, – qui n’est pas catholique –, dans son ouvrage Ce que j’ai vu à Moscou, défend des vérités très importantes afin de comprendre la situation actuelle. Donc, oui, mon travail contribue au Bien Commun car tout simplement il défend et diffuse des vérités.

 

Quels sont les critères qui guident la sélection des ouvrages que vous publiez ou rééditez ?

Il y a plusieurs critères mais je dirais les suivants : pas ou peu réédité, catholique ou maudit voire oublié mais surtout des auteurs qui défendent des vérités ; l’on pourrait dire que je cherche des auteurs qui s’inscrivent dans une intemporalité. Il est vrai que j’ai une grande affection pour les auteurs qui ont « un grand coup de fourchette » comme Béraud, Bloy ou encore Daudet, pour ne citer qu’eux.

 

Quelle place accordez-vous aux auteurs contemporains par rapport aux grandes figures du passé ?

À l’exception de deux préfaces, pour l’instant aucune. Comme vous le savez, Roland Thévenet a préfacé Ce que j’ai vu à Moscou de Béraud et Exégèse des Lieux Communs de Bloy. Si l’occasion devait se présenter, j’éditerais très volontiers Pierre Hillard, Roland Thévenet ou encore Michel Boyancé mais l’occasion ne s’est pas présentée. Au vu de l’époque, les amitiés sont plus faciles avec des hommes morts que vivants.

 

Y a-t-il un livre ou une publication dont vous êtes particulièrement fier ? Pourquoi ?

Outre son épaisseur (744 pages), je dirais L’Europe Tragique de Gonzague de Reynold. Professeur à l’Université de Fribourg, artistocrate et historien suisse du XXème, Reynold a, lui aussi, été mis à l’écart par certains milieux gauchistes et peine à retrouver une place dans nos milieux. Bien qu’étant Suisse, je dois reconnaître que le tempérament suisse n’aide pas à la diffusion de telles idées. Lorsque je dis « tempérament suisse », comprenez une certaine tiédeur à se positionner sur des sujets pourtant essentiels. Un célèbre dicton vaudois dit : « Ni pour, ni contre, bien au contraire ! » et illustre bien l’impossibilité actuelle, pour certains, de se positionner. Notre devoir est de ne lire que ce que nous sommes capables d’assumer publiquement. Sinon, cela s’appelle de la pornographie ou pornophilie mentale.

 

Quels défis rencontrez-vous aujourd’hui en tant qu’éditeur non conformiste ? Comment les surmontez-vous ?

Il y a plusieurs défis mais je pense notamment à la grandeur du catalogue et l’importance de bien se positionner afin de trouver le juste équilibre entre des publications fréquentes mais qui sont surtout pertinentes et la ligne éditoriale choisie. Ensuite, étant basé en Suisse, les frais de logistiques sont parfois mal acceptés et mal compris. En effet, La Poste, – que ce soit en Suisse ou en France –, facture à des tarifs élevés les envois à l’international. Il est donc aussi difficile de satisfaire certains clients compte tenu des tarifs appliqués.

 

Quels sont vos projets à venir et comment envisagez-vous l'avenir de votre maison d’édition ?

L’idée est d’avoir, si Dieu le veut, entre douze et quinze ouvrages d’ici la fin de l’année 2025. Actuellement, il y a cinq publications regroupant des auteurs très variés. Donc, consolider la vision et la ligne choisie mais surtout rester fidèle au Christ-Roi. Bien sûr, d’ici quelques années, avoir un catalogue avec une cinquantaine d’ouvrages et être une référence.

 

Propos recueillis par Sébastien de Kerrero, ODA Mag 4.